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La mort des amis de Chirac lave plus blanc que blanc

samedi 26 février 2005


Depuis sa mort, Rafik Hariri, ancien 1er ministre libanais (5 fois entre 1992 et 2004) et multimilliardaire est devenu l’icône assassinée de la résistance libanaise au contrôle syrien. A y regarder de plus près, la vie de ce grand ami de notre Chichi national ne méritait pas l’hagiographie douteuse à laquelle tout le monde se livre.

Un milliardaire douteux

Hariri débute en Arabie Saoudite comme prof puis comme patron dans la sous-traitance des Tavaux Publics, où la corruption est institutionnalisée. Il s’enrichit considérablement et commence à devenir un relais des Syriens, des Saoudiens et des Français (un des 1ers financeurs de la campagne de Chirac en 1988) au Proche-Orient.

Un résistant aux Syriens de la dernière heure

En 1992, après la fin de la guerre civile, il est mis au pouvoir au Liban par les Syriens sous les bons auspices de la France. Quand il devient premier ministre, sa fortune est estimée à 6 Mds de $, plus que le PNB libanais. Il place ses proches aux ministères stratégiques (économie, défense...) et mène une politique pro-syrienne. La Syrie occupe alors une partie du territoire avec les Israéliens puis seule. Il applique donc la politique définie par Damas et la France jusqu’en 2004 où il se fâche et change de camp (la France lâche elle aussi la famille Hassad au pouvoir en Syrie). D’un coup de baguette magique, il prend alors la tête de la résistance anti-syrienne qu’il peut alimenter de ses fonds.

De l’intérêt d’être au pouvoir pour enrichir son capital

Surnommé le Berlusconi libanais, Hariri au pouvoir gère toujours son entreprise : la SOLIDERE (!) Il organise la privatisation du Liban et fonde un véritable empire immobilier en rachetant à bas prix à l’Etat la riviera libanaise (terrain payé 200 Ms de $ alors qu’il est estimé à 400 Ms au moins). Pendant ce temps, la dette libanaise augmente et la population s’appauvrit. Pourtant, ses hagiographes n’hésitent pas à dire qu’il aurait sauvé le Liban par ses investissements !

Depuis 1988, Hariri a financé pour de fortes sommes toutes les campagnes de Chirac. Il a participé au recyclage des pétrodollars français dans le Golfe. Il a joué le rôle d’intermédiaire pour Total et les marchands d’armes (Dassault, Thomson, Aérospatiale, Matra) lors de la guerre Iran-Irak. Enfin, le Liban via Hariri, son relais à Paris l’avocat Basile Yared ou l’homme d’affaire André Kamel joue un rôle essentiel pour maintenir les réseaux françafricains grâce à l’argent du pétrole et des contrats d’armement du Golfe en alimentant barbouzes et dictateurs africains. Notons enfin que le fidèle ami de plus de 20 ans de Chirac a aussi rendu service aux réseaux mitterrandiens.

Puisqu’on parle de Françafrique, passons au second grand disparu de la Chiraquie mondiale : Eyadema. Après 36 ans de pouvoir dictatorial, le vieil ami de Jacquot a cassé sa pipe. Devant la brutalité de son régime, difficile d’en faire un saint, mais Chirac et l’UMP s’y sont pourtant risqués. Exercice de réhabilitation risible sur fond de scénario pour refiler le pouvoir au fiston. Un toilettage constitutionnel de dernière minute permet d’écarter le président de l’Assemblée et de placer Faure Eyadema à la place de son père. Ce passage dynastique en force, dénoncé par les Togolais-es dans la rue (avec une répression sanglante à la clé) et par la plupart des pays n’a été que mollement condamné du côté français. D’ailleurs, les amis de Chirac ont filé un coup de main à la mascarade constitutionnelle en envoyant le juriste Charles Debbasch.

Eyadema : de Foccart à Chirac

Il arrive au pouvoir en 1963 par un coup d’Etat contre Sylvanus Olympio, orchestré par Foccart et la France Gaullienne. Foccart est alors le grand organisateur de la Françafrique, ce système d’exploitation massive par la France des anciennes colonies d’Afrique après la décolonisation, en mettant en place des dictatures serviles. Les réseaux Foccart accoucheront ensuite de tous les réseaux maffieux français en Afrique : ceux de Chirac, Mitterrand, Pasqua... Eyadema, tout en privilégiant Chirac, laissera une place aux autres réseaux maffieux mis en place par entreprises et partis politiques français. Et pendant ce temps-là, le bon Eyadema pille les ressources en phosphates et plus récemment, grâce au futur nouveau président-fiston Faure, les gisements pétroliers off-shore.

Quand les intérêts de la Chiraquie sont compatibles avec ceux de la famille Eyadema, il faut se serrer les coudes, et papa Chirac a toujours soutenu son pote. Depuis 1990, les Togolais-es se révoltent. Après une courte pause pluraliste qui voit un op-posant devenir 1er ministre, Eyadema fait tirer au canon sur la résidence de ce dernier. La France soutient. En 1998, Eyadema transforme en victoire sa défaite aux élections présidentielles. La France, qui avait mal fait son boulot de trucage des élections, soutient. Eyadema est critiqué de partout, mais Chirac offre à son compère une reconnaissance officielle en 98 et en 99. Eyadema se débarrasse de ses opposants en balançant les corps à la mer qu’on retrouve ensuite au Bénin. Un rapport de 1999 d’Amnesty International dénonce les faits. La France via Chirac et ses proches crient au complot. Les faits sont confirmés par un rapport de l’ONU et de l’OUA en 2001. Pas grave, la France soutient toujours. Des élections doivent être organisées pour 2002, Chirac envoie Pierre Mazaud modifier la constitution (déjà !) pour écarter Gilchrist Olympio (vainqueur de 1998) de la compétition... La liste est encore longue et la France soutient encore et encore.

Françafrique über alles

Entre temps, Eyadema aura bien servi les intérêts de ses maîtres, les services secrets français étant omniprésents au Togo. Il a participé à la déstabilisation politique de l’Afrique de l’ouest (soutien aux miliciens du RUF de Sierra Leone, de l’UNITA et du camp gouvernemental opposé en Angola...). Le Togo appartient également au réseau Mosaïque qui rassemble les dictatures pro-occidentales africaines sur le modèle du réseau Condor sud-Américain (Pinochet, Stroessner, généraux argentins... drivés par la CIA) dans une dimension encore plus barbouzarde.

Au total, Hariri et Eyadema auront donc bien mérité de la Chiraquie, paix à leur âme... Et pendant ce temps là la COGEMA au Niger, Total, Bolloré en Côte d’Ivoire etc. continuent de s’enrichir sur le dos des peuples sous les professions de foi démocratiques du camarade Chirac.